NR Publié le 20/11/2023
Après des années de résistance, l’Indre-et-Loire voit le nombre de projets de parcs éoliens se multiplier. Les plus avancés sont scrutés de près.
Il a retenu sa plume à la dernière seconde, ou presque. Jeudi 19 octobre 2023, le préfet Patrice Latron annonçait qu’il suspendait sa signature pour le projet Oratorio, ajournant ce qui était sur le point de devenir le premier parc éolien d’Indre-et-Loire.
Cette fois, il n’est pas question d’espèce protégée, d’installation militaire ni de désengagement politique : portées notamment par le très médiatique Stéphane Berne, ce sont des considérations paysagères qui s’opposent du moins temporairement – à l’implantation de quatre mâts d’éolienne sur la commune d’Auzouer-en-Touraine, à quelque 15 km du château d’Amboise.
Un nouveau revers pour le déploiement d’éoliennes dans le département, qui est loin d’être un épilogue pour autant : pas moins de 24 projets restent sur la table et d’autres, encore à l’étude, pourraient bientôt émerger.
Pour le moment, deux projets éoliens ont été avortés en Indre-et-Loire.
© Infographie NR
« Y aller, mais pas à n’importe quel prix »
Après des années de résistances tous azimuts, l’Indre-et-Loire fait encore partie des 30 % de départements encore dépourvus d’éoliennes. Le coup d’accélérateur sur le déploiement des énergies renouvelables voulu par le gouvernement pourrait changer la donne. « Il y a une grosse pression sur le préfet », croit savoir un observateur du réseau naturaliste tourangeau.
Et il n’est pas le seul. « Les préfets ont une pression de dingue de la part de la première ministre pour mettre des éoliennes partout », affirmait de son côté Stéphane Berne, lors de son réquisitoire contre les éoliennes en projet à l’horizon du château d’Amboise.
« Je pense qu’il faut y aller parce qu’on n’a pas d’éoliennes, parce que c’est la politique du gouvernement en matière d’énergies renouvelables, parce que c’est une politique qu’attendent les Français », répondait de manière indirecte Patrice Latron lors d’une conférence de presse suivant la suspension du projet Oratorio. « Il faut y aller, ajoutait-il, mais pas à n’importe quel prix. »
Avant de trancher sur l’implantation de quatre mâts à Auzouer-en-Touraine, il a demandé une nouvelle expertise paysagère sur la base d’une simulation par ballons captifs.
Des recours systématiques
En Indre-et-Loire, pas un projet éolien qui n’a été remis en cause. « Tous les parcs éoliens du département pour lesquels une décision administrative a été prise par arrêté préfectoral d’autorisation, de refus ou de rejet font l’objet de recours suspensif auprès de la cour administrative de Versailles », relèvent les services de la préfecture.
C’est le cas des deux seuls parcs autorisés à ce mois de novembre 2023 : le parc éolien des Vents-de-l’Ouest au Petit-Pressigny et celui de Sepmes font l’objet de recours mêlant arguments patrimoniaux, paysagers et environnementaux… Avec, à chaque fois, un allié qui a déjà fait ses preuves en Touraine : la très protégée cigogne noire.
« Tant que ce n’est pas passé en jugement, on ne peut être sûr de rien », rappelle le maire du Petit-Pressigny, Jean-François Cron. Telle une épée de Damoclès sur cette commune majoritairement opposée à l’implantation d’éolienne, un mât de mesure reste dressé sur le site d’implantation visé par le promoteur. « Les années passent, il a été enlevé, remis… On le voit très bien la nuit quand c’est allumé », remarque le maire, dont l’inquiétude s’est apaisée avec le passage des années.
Tout l’inverse de Régine Rézeau, qui porte le projet de cinq éoliennes sur sa commune depuis 2015. « Je suis abasourdie que ce type de projet puisse être arrêté comme ça, s’agace la maire de Sepmes. Je comprends qu’on puisse s’interroger ou que l’on soit contre. Mais de notre côté, on a mis beaucoup de moyens, de temps et d’études pour prouver le bien-fondé du projet, combien cela pourrait rapporter à la commune… Et tout est l’arrêt. Pendant ce temps-là, on fait les fonds de tiroir et notre patrimoine se détériore parce qu’on n’a pas les moyens de l’entretenir ! »
Et si la loi pour l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi Aper) devrait, comme son nom l’indique, accélérer les procédures, rien ne dit que son souffle poussera les projets éoliens dans le département. Dans de nombreuses communes, tous les regards sont déjà tournés vers le photovoltaïque. Des panneaux solaires pour faire barrage au vent ?
Les porteurs de projets contre-attaquent
Les opposants aux éoliennes ne sont pas les seuls à user de recours : les refus et rejets des autorités préfectorales font eux aussi l’objet de recours. Parfois avec succès. Le promoteur du parc éolien des Terres-de-Pelé-Joué, à Bridoré, a d’ailleurs récemment obtenu de la cour administrative d’appel de Versailles une révision du refus qui lui a été initialement opposé avant même l’enquête publique par la précédente préfète, Marie Lajus. Faisant état d’un « vice de procédure » et d’une « erreur de droit », la cour intime la préfecture de réexaminer le projet d’ici le 28 novembre. Sans que cela n’implique forcément qu’il délivre une autorisation.