Allemagne – Distances minimales entre les éoliennes et les habitations

Pour la paix sociale, le gouvernement allemand réglemente les distances entre éoliennes

Pour calmer l’opposition des riverains, le gouvernement fédéral veut imposer des distances minimales entre les éoliennes et les zones d’habitations. Les professionnels sont vent debout.

  • Delphine Nerbollier, à Berlin, 
  • le 22/12/2019 à 18:48

A proximité de la frontière germano-polonaise, à Lebus, en 2017PATRICK PLEUL/AF

Tilo Schade est plutôt satisfait. Sur les 18 éoliennes que l’entreprise Notus Energy Plan envisageait d’élever à Kloster Lehnin, près de Potsdam, dans le Brandebourg (nord-est de l’Allemagne), seules neuf pourraient voir le jour. Face à l’opposition des riverains et alors que la région a imposé un moratoire de deux ans dans cette localité, l’entreprise a décidé de réduire la voilure.

« C’est satisfaisant, même si nous souhaiterions qu’aucune éolienne n’y soit construite, reconnaît Tilo Schade, élu local et membre d’une association de défense des arbres. Nous ne sommes pas contre les éoliennes en tant que telles, mais pourquoi en construire en pleine forêt ? Il faut couper près de 1 000 arbres par éolienne, et même si on en replante après, cela ne compense pas. En plus, cette forêt est traversée par une piste cyclable très empruntée des touristes. »

Rater les objectifs climatiques

Comme dans le cas de Kloster Lehnin, l’opposition des riverains, inquiets du bruit, des effets sur la santé, de la pollution visuelle ou des dégâts sur la faune et la flore, a de plus en plus souvent raison des nouveaux projets, dans un pays qui compte déjà 30 000 éoliennes. À cela s’ajoutent les lenteurs administratives, le manque de lignes à haute tension entre le Nord venteux et le Sud consommateur, et la fin des revenus garantis en 2016. Conséquence, sur les 9 premiers mois de l’année, seuls 504 mégawatts de nouvelles capacités ont été installés, soit le plus bas niveau depuis 20 ans.

Pour les professionnels du secteur, l’Allemagne risque de rater ses objectifs climatiques si la situation ne se débloque pas. Berlin souhaite produire 65 % de son électricité à partir des énergies renouvelables d’ici à 2030, contre 40 % en 2018. Avec la fermeture des dernières centrales nucléaires en 2022 et la sortie du charbon décidée pour 2038, le développement de l’éolien est crucial. Selon la Fédération de l’énergie éolienne (BWE), il faudrait ajouter 4,7 GW de puissance installée chaque année jusqu’en 2030.

Quasiment plus de nouvelles surfaces disponibles

Pour lever les doutes de la population et accélérer le rythme des installations, le gouvernement fédéral a décidé, en septembre, d’instaurer une limite minimale d’un kilomètre entre toute nouvelle éolienne, y compris celles destinées à en remplacer des anciennes, et les zones d’habitations constituées d’au moins cinq maisons. Or cette réglementation est jugée trop stricte par les professionnels.

Selon l’Agence nationale de l’environnement, le parc éolien pourrait en être réduit de 20 à 50 % alors même qu’il n’existe quasiment plus de nouvelles surfaces disponibles. Dans une lettre au ministre de l’économie, la Fédération de l’industrie allemande (BDI) et celle de l’énergie éolienne (BWE) redoutent que ces restrictions « empêchent d’atteindre les objectifs énergétiques et climatiques » du pays.

« Liquidation de l’une des industries clés du XXIe siècle »

Dix ministres régionaux de l’environnement dénoncent, eux, « la liquidation de l’une des industries clés du XXIe siècle », forte de 112 000 salariés. Dans ce contexte difficile, les licenciements se multiplient en effet. En 2017, 26 000 emplois ont été supprimés.

En août 2019, le géant Senvion, coté en Bourse, a déposé le bilan. En novembre, son concurrent Enercon a annoncé la suppression de 3 000 postes. Gamesa, filiale de Siemens, prévoit elle aussi des licenciements et Nordex dit chercher de nouveaux débouchés à l’étranger.

Baisse de l’opposition lorsque les communes sont impliquées

L’imposition de distance minimale réduira-t-elle les conflits avec les riverains ? Deux chercheurs de l’université Martin-Luther de Halle-Wittemberg en doutent. Dans une étude indépendante menée en Allemagne, Suisse et aux États-Unis, ils constatent que les opposants constituent une minorité très active.

Ils ne notent en revanche « aucune relation significative » entre la distance d’éloignement des éoliennes, l’acceptation de la population et les effets du stress sur les riverains. Ils constatent toutefois une baisse sensible de l’opposition lorsque les communes sont impliquées, en amont dans le processus de planification. Et après coup, de manière financière…