Boulevard Voltaire: Marc Baudrillier 8 février 2023: La guerre des éoliennes a-t-elle pris fin dans la nuit du 7 au 8 février 2023 au Sénat ? Par un vote massif de 300 voix contre 13, les sages ont approuvé la loi présentée par le ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher. Sur 133 sénateurs LR, seuls dix ont voté contre. Parmi eux, le Vendéen Bruno Retailleau. Trois sénateurs Union centriste complètent le troupeau rikiki des opposants. Le sénateur ex-RN Stéphane Ravier n’a pas pris part au vote. Enfin (étonnant), les douze élus écologistes du groupe Solidarité et Territoires se sont abstenus !
Les députés avaient, la semaine dernière, donné leur feu vert à ce train de mesures très contesté. Le texte prévoit l’accélération de l’éolien en mer et du solaire pour répondre à l’objectif fixé par Emmanuel Macron pour 2050 : multiplier par dix la capacité de production d’énergie solaire et installer 50 parcs éoliens en mer. Agnès Pannier-Runacher triomphe. « La loi pour l’accélération des énergies renouvelables est définitivement adoptée, lance-t-elle sur Twitter. Avec ce texte, nous irons beaucoup plus vite et plus fort dans le déploiement des énergies renouvelables et la sortie des énergies fossiles. » Merci qui ? « Merci aux parlementaires pour ce travail inédit de co-construction », ajoute-t-elle ! De quoi donner le bourdon à tous ceux qui, dans de très nombreuses campagnes françaises, s’acharnaient à préserver les paysages de ces installations disgracieuses et inefficaces, selon eux. Pour autant, ce n’est pas une surprise. « C’est la réitération de la trahison du Sénat puisque le gouvernement avait déposé cette loi au Sénat avant l’Assemblée nationale », estime Fabien Bouglé, expert en politique énergétique et auteur, notamment, de Nucléaire – les vérités cachées aux Éditions du Rocher, joint par BV. « C’est une loi totalitaire qui supprime tous les verrous et toutes les règles, fulmine-t-il. Une loi de collaboration du Sénat avec la Macronie, elle marque la trahison par le Sénat de la France rurale. Cela se paiera lors des prochaines élections. » Les anti-éoliens appelleront à battre « tous les élus qui ont pactisé » lors des prochains scrutins. Les enjeux électoraux, notamment dans les campagnes souvent très hostiles aux éoliennes, ne sont pas minces. Et le RN a joué habilement cette carte en se battant aux côtés des antis…
La loi vise précisément à museler les opposants. Elle va « lever tous les verrous qui retardent le déploiement des projets », souligne Agnès Pannier-Runacher. Notamment les verrous juridiques, les anti-éoliens menant un combat pied à pied par l’intermédiaire des tribunaux. « C’est une loi absolument insupportable, scélérate, qui supprime toutes les voies de recours », constate Fabien Bouglé. Accessoirement, un groupe semble parfaitement incohérent sur ce dossier : les LR ont majoritairement voté contre la loi à l’Assemblée mais… pour la même loi au Sénat. « Va comprendre, Charles », comme disait une vieille publicité pour le tiercé. Mais la partie n’est pas encore tout à fait jouée. Les députés RN et LR devraient se tourner, dès ce 9 février au matin, vers le Conseil constitutionnel pour déposer des recours.
En parallèle, le pouvoir peut craindre une évolution de l’opinion. Les Français, longtemps très favorables, déchantent depuis un an : les opinions favorables sont tombées de 80 % à 60 %. Les Français restent majoritairement pour l’implantation des éoliennes… chez les autres. Les habitants des grandes villes pèsent sur les résultats : ils ne subissent aucun impact de ces implantations dans leur vie quotidienne. Mais ils peuvent évoluer. Alors, le pouvoir est pressé. « Nous sommes le seul pays européen à ne pas avoir atteint ses objectifs » dans l’éolien et le solaire, a affirmé le ministre devant les députés, la semaine dernière. Fabien Bouglé ne voit pas le dossier du même œil. « La France est très en avance sur la décarbonation de la production électrique grâce au nucléaire, rappelle-t-il. Utiliser des renouvelables pour décarboner une électricité déjà décarbonée n’a aucun sens. ». Il rappelle que les entreprises de fabrication d’éoliennes, comme la Danoise Vestas, enregistrent de lourdes pertes. Elles mèneraient d’intenses pressions à Bruxelles pour accélérer la cadence et parer à une possible défection de la Chine, susceptible de bloquer brutalement ses exportations de terres rares, indispensables à la fabrication des éoliennes.
Les Français des campagnes feront-ils le poids face aux intérêts financiers, au lobbying, à la trahison de certains partis politiques, à l’État et ses médias consensuels, au poids de l’Union européenne et de ses engagements écologiques ? Le combat est singulièrement inégal.