“Écocide”, “méthodes de forbans” : les territoires se rebiffent contre l’éolien
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sur EPAW/FED
Quentin Hoster Publié le 15/07/2020 à 18:00
Coûteuse malgré la perfusion d’argent public, l’énergie l’est aussi pour la nature et les hommes, estiment 165 associations ulcérées, qui dénoncent la prolifération des éoliennes en Nouvelle-Aquitaine. Et de prévenir : “Les autres régions sont dans les starting-blocks.”
« Ça coûte les yeux de la tête, ça ne crée pas d’emploi et en plus ça détruit
nos paysages […]. Foutez-nous la paix avec les éoliennes ». Les croisés des «
moulins à vent », attablés à Bordeaux début juillet, pourraient reprendre, à
l’envi, la soufflante de Xavier Bertrand – président des Hauts-de-France, où
les éoliennes sont les plus nombreuses – tant elle résume avec panache leur
démonstration. Entériné par la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie),
adoptée en début d’année, le SRADDET (schéma régional d’aménagement, de
développement durable et d’égalité des territoires), préfigure « l’invasion »
de 1600 nouveaux « aérogénérateurs » en Nouvelle-Aquitaine, d’ici à la fin de
la décennie. Des acronymes barbares, à l’image de la politique imposée aux territoires,
selon leurs représentants révulsés, qui viennent d’intenter un recours devant le
tribunal administratif de Bordeaux. 165 associations, coalisées par la
Fédération environnement durable (FED), qui en compte 1 500 à l’échelle
nationale, sont vent debout aux côtés des autres régions concernées, elles
aussi « dans les starting blocks ».
« Un système à la Madoff, entièrement subventionné »
Alors que la France prévoit de multiplier par 2,5 sa puissance installée d’énergie éolienne d’ici à 2030, soit 20 000 nouveaux engins, la Nouvelle-Aquitaine devra prendre sa part « à une aberration totale qui ne répond à aucune nécessité », juge Jean-Louis Butré, président de la FED. Pas réduit aux anathèmes, ce retraité des industries chimiques et pharmaceutiques le justifie : la région, largement excédentaire dans sa production d’électricité (17 Twh), essentiellement nucléaire, n’a nul besoin de ce « système à la Madoff, entièrement subventionné. Les consommateurs français payent une électricité dont ils n’ont pas besoin pour faire fonctionner une industrie qui n’est pas chez nous », s’insurge-t-il. Importées du Danemark et d’Allemagne, les éoliennes françaises présenteraient une facture considérable pour l’État : jusqu’à 40 milliards d’euros ! Avec 70 à 90 milliards de soutien budgétaire, « il y aurait de quoi renouveler tout le parc nucléaire français originel ou faire passer l’actuel à la 3e génération », se désole encore le député LR Julien Aubert, qui a travaillé au sein d’une commission dédiée à l’Assemblée nationale.
Désastreuse pour les finances de l’État, l’énergie l’est aussi pour l’économie locale. Selon plusieurs études notariales, la dévaluation des bien immobiliers, à proximité des éoliennes, se chiffre de 30 à 50%. « Alors que le clocher culmine à 15 mètres, on menace de cerner notre village d’éoliennes de plus de 200 mètres », s’alarme Stephan Pelletier, propriétaire de camping à Milhac-de-Nontron, en Dordogne. Avec 32 millions de visiteurs par an, pour 9% du PIB régional, le secteur touristique néo-aquitain serait lui aussi menacé par la prolifération des éoliennes, dont la proximité bruyante rebuterait de nombreux clients. Le label d’excellence « Gîtes de France » n’est ainsi plus attribué aux établissements situés dans leur zone d’implantation. Rythmé par le vrombissement entêtant des pâles, le quotidien des habitants n’invite pas, en effet, à une retraite apaisée. Dans la Haute-Vienne, à Lussac-les-églises, village de 500 habitants, Frédéric témoigne d’un épuisement psychique. « Quoique je fasse, je ne peux échapper à l’hégémonie visuelle et au déluge sonore des éoliennes. Vivre avec, ça rend fou. Le corps et l’esprit sont épuisés » souffle-t-il, malgré les 600 mètres séparant son habitation des six éoliennes, érigées il y a trois ans.
L’éolien détruit l’écosystème qu’il est censé protéger
Le coût environnemental, pour une énergie proclamée vertueuse, est là encore, considérable, explique Philippe Guetat, ingénieur agronome creusois, en soutien à la fronde menée par les associations. « Il n’y a rien de moins écologique que les aérogénérateurs, qui stérilisent chacun 0,6 hectare de surface agricole. La faune disparaît dans un milieu qui lui est pourtant très favorable », alerte celui qui brocarde un « écocide », néologisme vert, employé pour dénoncer la destruction irréversible de l’environnement. « Des vaches meurent et des veaux naissent difformes. Les insectes disparaissent, les oiseaux aussi. Et tout cela est cautionné par les écologistes ! Je ne comprends pas qu’ils ne viennent pas voir la souffrance des éleveurs et l’absence des animaux », s’agace aussi Eddie Puyjalon, conseiller régional et président du Mouvement de la Ruralité.
Perçues comme un superprédateur pour certains oiseaux, les pâles tournoyantes – dont l’extrémité peut atteindre 250 km/h – représentent une menace sérieuse pour l’avifaune. Bien que mineure, les éoliennes représentent une cause de mortalité non négligeable pour certains rapaces, percutés alors qu’ils sont occupés à chasser alentours. Inquiété par la hausse inexorable des températures et la multiplication des incendies, le président de la DFCI (Défense de la forêt contre les incendies), Bruno Lafon, voit la prolifération des éoliennes comme un facteur de risque supplémentaire. « Elles aggravent les risques de feu, car empêchent la protection de surface et éloignent les bombardiers d’eau », affirme-t-il, chiffres à l’appui : les sols sont stérilisés par un socle de 1500 tonnes de béton, pour chaque pylône.
Les promesses de l’éolien ne seraient-elles que du vent ? Chère, nocive pour la biodiversité, nuisible à la population, préjudiciable à l’économie, l’énergie est aussi délétère pour l’atmosphère bouillonnante.
Fonctionnant, de part son intermittence, à 23% de son potentiel – qui ne peut être pleinement atteint lorsque le vent est trop violent – l’éolien génère par ailleurs dix grammes de CO2 par kWh produit, lorsque le nucléaire, à titre comparatif, en émet seulement six. L’exemple allemand, en la matière, est éloquent. Désengagé du nucléaire, après l’incident de Fukushima au Japon, en 2011, le pays s’est massivement engagé dans l’éolien. Résultat, il émet aujourd’hui neuf fois plus de Co2 que la France, et fonctionne à hauteur de 38% de son mix énergétique… au charbon.
Un bilan carbone effroyable
Pour compenser la fermeture récente de la centrale de Fessenheim, qui alimentait l’autre côté du Rhin, l’Allemagne vient d’inaugurer une nouvelle centrale à charbon. A production égale, il faudrait environ 3000 éoliennes pour remplacer la centrale alsacienne… L’éolien offshore ? « Les projets envisagés sont trop près des côtes. Les pêcheurs n’en veulent pas. Dans la baie de Saint-Brieuc, la pêche traditionnelle représente un millier d’emplois, et les oiseaux migrateurs viennent s’y reposer l’hiver », tranche Jean-Louis Butré. Quant aux plateformes établies au large, le surcoût est prohibitif : près de trois fois le prix de l’électricité produite par l’éolien terrestre. « Plutôt du solaire », préfère le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, pour qui le potentiel, en Nouvelle-Aquitaine, est plus développé et limiterait la « destruction des paysages ».
Les arguments contre l’éolien ont beau être légion, et le consensus contre son installation, univoque, la plus grande région de France compte bien se doter de nouveaux parcs éoliens, dans les années à venir.
La faute à « un lobby qui se trouve dans l’Etat et qui n’est là que pour faire des affaires », selon Jean-Louis Butré, qui explique que « les avis émis avant l’élaboration du SRADDET étaient tous négatifs. Douze présidents de départements souhaitaient fixer des limites, mais n’ont pas été écoutés ». Son bras droit, le vice-président de la Fédération, Michel Broncard, s’égosille aussi contre « un déni de démocratie. Des maires font l’objet de harcèlement par les promoteurs. Des voyous parcourent nos campagnes, avec des méthodes de forbans, d’aigrefins », dénonce-t-il, bravache. Le représentant des ruraux, Eddie Puyjalon, lui donne la réplique : « Face aux puissances financières, les citoyens ne sont que des citoyens. L’opposition est très difficile à monter. »
Les promoteurs de l’éolien prêts à tout
En témoigne le cas symptomatique de la Montagne Saint-Victoire, près d’Aix-en-Provence. Immortalisé par Cézanne, son horizon immaculé se voit progressivement tacheté d’éoliennes, contre l’avis de la population… et de la loi. Rendu caduc par le tribunal administratif de Toulon, le 10 février dernier, le permis de construire invalidé n’a pas empêché la construction des vingt-deux turbines géantes, qui devait être achevée d’ici à la fin de l’été. Fin avril, quatorze associations avaient pourtant adressé une lettre au président de la République pour demander l’arrêt du projet de « parc éolien d’Artigues et Ollières », édifié sur une zone classée « Grand Site de France » et « Natura 2000 ». Huit ont déjà été édifiées dans l’illégalité. « Une fois les éoliennes implantées, il est quasi impossible d’obtenir leur démolition », analysait l’association Vent de colère, opposée au projet.
« Grâce au nucléaire, la France produit une électricité parmi les plus décarbonées au monde », rappelle Jean-Louis Butré, qui ne se résigne pas à la « catastrophe économique » vers laquelle se précipite EDF, largement endettée, et s’inquiète de la détérioration de son savoir-faire. « Plus une entreprise décroît, plus elle devient dangereuse. On n’a pas d’autre choix que de la défendre et la développer ». Les adeptes de la « décroissance » et de la (fausse) économie verte l’entendront-ils ?