1. société
« Si la population rejette de tels programmes, il faut l’écouter »
ANGÉLIQUE NÉGRONI Julien Aubert
DÉPUTÉ LR du Vaucluse, Julien Aubert, qui a présidé la commission d’enquête sur l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, a rendu son rapport la semaine dernière. Pour lui, l’éolien coûte aujourd’hui bien trop cher. LE FIGARO. – Pourquoi fait-on fausse route, selon vous, en développant l’éolien ? Julien AUBERT. – Si on soutient les énergies électriques intermittentes, comme l’éolien, en vue de limiter le réchauffement climatique, on fait fausse route. Cette transition énergétique qui consiste à fermer des centrales nucléaires pour les remplacer par des énergies électriques intermittentes décarbonées n’a, en effet, aucun impact sur le CO2 et la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Or, depuis 2014, les politiques n’ont de cesse de faire le lien entre la sortie du nucléaire et le réchauffement climatique. C’est si vrai que les Français pensent en majorité que les centrales nucléaires produisent du CO2. Quelles sont les pistes possibles pour lutter contre le réchauffement climatique ? Il faut s’attaquer aux domaines où l’on produit beaucoup de CO2 : le chauffage dans les habitations et la voiture. Mais il ne faut pas nécessairement recourir au tout électrique. On peut se tourner vers du biogaz qui émet moins de CO2 que le chauffage au fioul, l’hydrogène, le solaire thermique… Vous demandez un moratoire sur les projets d’éolien qui n’obtiennent pas un consensus local. Mais ils seront alors tous suspendus ! On parle ici d’éolien terrestre et un peu d’éolien en mer « posé ». Si la population qui est consultée rejette de tels projets, il faut tout de même l’écouter, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. L’éolien provoque un fort rejet des riverains. Il a contre lui de ne pas créer d’emplois dans les territoires où il est installé et de ne pas participer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut, par ailleurs, installer beaucoup d’éoliennes pour produire de l’électricité. Alors pourquoi envisager de dépenser au total 70 à 90 milliards d’aides publiques en soutien à cette filière ? En 2028, et une fois tous les programmes lancés, l’éolien produira 15 % d’électricité. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il existe aujourd’hui d’autres moyens d’obtenir de l’électricité, comme le photovoltaïque ou la biomasse, c’est-à-dire la combustion de matières telles que le bois, des végétaux ou des déchets agricoles. Mais alors faut-il en finir avec l’éolien ? Les projets déjà lancés doivent être maintenus. Par ailleurs, l’industrie française qui s’est développée autour de l’éolien maritime flottant doit être préservée et son savoir-faire doit être exporté. L’éolien en mer est-il toutefois plus souhaitable que l’éolien sur terre ? L’éolien en mer désigne aujourd’hui surtout l’éolien en mer « posé », qui est installé près des côtes et pose de réels problèmes aux marins et aux pêcheurs. À l’inverse, je soutiens l’éolien en mer flottant qui, à ce jour, est seulement expérimenté en France. Installé loin des côtes, il n’aura aucun impact nuisible et produira beaucoup plus d’électricité. L’industrie française s’y intéresse et cette filière pourrait de surcroît créer des emplois nouveaux. Le mix électrique n’est pas viable, selon vous ? Tous les pays européens se mettent aujourd’hui à produire de l’électricité en intermittence, comme c’est le cas avec l’éolien qui dépend du vent et du photovoltaïque qui dépend du soleil. L’objectif consiste alors à moins s’appuyer sur le nucléaire qui assure une production en électricité stable. Or ce modèle que nous développons comporte un risque. Le jour où se mêleront forte demande en électricité et faible production, ce sera alors la méga panne générale en Europe. Nous avons frôlé ceci trois fois en 8 ans… et deux fois en moins de six mois. Propos recueillis par A. N.